La pertinence d'une collaboration entre le gouvernement, les universitaires, la recherche, l'industrie et la société civile pour le développement ne saurait être exagérée, dit Sara Farley. Elle est essentielle pour le progrès.
Les différents domaines de la connaissance que sont l'agronomie, la biologie, l'architecture, le génie mécanique, l’hydrologie, la zoologie sont cloisonnés. Les problèmes d'aujourd'hui – le décloisonnement – sont néanmoins complexes.
Ceux qui réussissent à les régler sont les solveurs de ce que l'Initiative mondiale pour la connaissance (IMC) appelle « l'ère de la collaboration ». Par opposition aux anciennes notions de découverte scientifique et de progrès technologique, la théorie de l'innovation qui prévaut aujourd'hui se définit par des liens, des interactions et la coopération. Qualifié de « système d'innovation », ce cadre offre un moyen d'identifier et de conceptualiser l’innovation qui est fonction d’un contexte propice, d'acteurs, d’interactions entre eux et des résultats des solutions produites. Les questions que nous devons nous poser sont les suivantes : quelle est l'importance de la science, de la technologie et de l'innovation (STI) pour l'avenir de l'Afrique, et quels sont les coûts d'une faible participation dans les réseaux mondiaux de l'innovation collaborative?
Construire une « Afrique étonnante »
Imaginez deux Afrique. La première que nous appellerions « l'Afrique étonnante ». C'est un lieu où les STI sont utilisées pour favoriser l'expansion économique, la compétitivité et le progrès. Dans « l'Afrique étonnante », les gens vivent plus heureux, en meilleure santé et ne sont pas uniquement plus riches.
C'est une image du futur dans laquelle l'agriculture est transformée, et la biotechnologie ayant libéré son plein potentiel : la productivité par exploitant agricole enregistre une forte croissance. Un accès amélioré à un éventail d'intrants technologiques, depuis les semences jusqu'aux engrais et jusqu'aux technologies de transformation et de production font décoller le prix de la terre à l'hectare.
« L’Afrique étonnante » est un lieu où l'on trouve des politiques de développement plus astucieuses – les STI aident les planificateurs à équilibrer l'utilisation de la terre et de l'eau grâce à une gestion plus astucieuse pour l'avenir. C'est un continent marqué par la transformation du capital humain : une base de plus en plus importante de citoyens férus de science et qui s’accompagne d’une forte augmentation du nombre de diplômés en science, technologie et mathématiques – une augmentation réalisée grâce à des professeurs d'université qualifiés et bien rémunérés.
Ils intègrent la recherche, l'apprentissage expérientiel et l'enseignement ouvert à distance dans leur approche de formation de la jeunesse africaine. La transformation industrielle est également une autre caractéristique de « l'Afrique étonnante » : des villes, une énergie, des systèmes de transport et d'approvisionnement en eau plus verts, efficaces et abordables caractérisent les villes de demain. La croissance verte signifie plus d'emplois pour équiper les villes de nouveaux systèmes d'infrastructures
« L'Afrique au bord du gouffre »
L'autre alternative pour l'avenir est bien moins souriante. Nous pourrions parler de l'Afrique au bord du gouffre. C'est un continent qui oscille entre la sécurité et l’instabilité. Un lieu défini par le peu d’intérêt envers les STI et qui ne peut équilibrer les demandes économiques, sociales, technologiques, politiques qu’exigent la croissance de la population, le changement climatique ou l’urbanisation croissante.
Nous assurer de maintenir une « Afrique étonnante » est à notre portée. Mais il faut pour cela exploiter le pouvoir de l'innovation collaborative. Pour certains, visualiser des exemples pratiques d'une approche du système d'innovation peut s'avérer difficile. Un exemple pris dans l’IMC illustre ce point.
Sauver les recettes du café du Rwanda
Allons à la rencontre du Dr. Daniel Rukazambuga, doyen de la faculté d'agriculture à l'Université nationale du Rwanda. À travers un partenariat entre RUFORUM (le forum régional de l'université sur le renforcement des capacités dans l'agriculture et le climat) et l’IMC, Daniel a posé un problème qu’il cherche à régler à travers un partenariat.
Plus particulièrement, un défaut appelé « le goût pomme de terre » que l'on croit en partie du à la “ punaise antestia”— menace de détourner les acheteurs internationaux du café rwandais. Si le problème n'est pas réglé, l'incidence du goût de la pomme de terre peut avoir un impact négatif sur les recettes de ce secteur.
Il y a 15 ans, les efforts de développement post génocide se sont axés sur la reconstruction du secteur du café, étape critique pour aller vers l'avant. Les résultats des investissements dans le renforcement des capacités, l'amélioration de la technologie et de la recherche ont permis aux petits exploitants de voir leurs bénéfices du café passer de 0,20 € le kilo à deux dollars, essentiellement grâce à l'amélioration de la qualité.
Le gouvernement rwandais et ses partenaires ont utilisé les STI pour réaliser un grand nombre de ces transformations. À l'heure actuelle ces améliorations sont à risque. Déterminer la raison réelle du goût « pomme de terre » constitue un des défis majeurs qui se posent à l'équipe. Actuellement il n'existe pas de lien clair entre le goût « pomme de terre » et la punaise en question, seulement des hypothèses.
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Puiser dans un réseau de recherche
L’IMC à travers le Programme d'apprentissage et de réseau d'innovation pour la connaissance et les solutions (LINK), aide les chercheurs et les autres à localiser les ressources critiques nécessaires pour l'enseignement de la recherche scientifique et l'innovation pour s'attaquer à des problèmes communs. Nous permettons ensuite aux partenaires de coopérer dans le cadre de concours, de formation, et d’initiatives de renforcement des capacités.
Et enfin, nous permettons à ceux en quête de ressources de se connecter au réseau mondial de solutionnant de problème pour élargir les solutions. Cette nouvelle approche de construction de réseaux répondant à un objectif et capable d'innovation collaborative s'étend à travers l'Afrique, l'Asie, les USA, et partout ailleurs grâce à l'Initiative mondiale pour la connaissance et un troisième appel lancé à l’intention des challengeurs LINK en cours pour l'Afrique australe et l'Afrique de l'Est.
Après avoir été le gagnant du premier tour LINK de l’IMC en Afrique de l'Est, pour le plus grand plaisir des agriculteurs rwandais et des acheteurs internationaux de café, une équipe de chercheurs des trois continents a développé et commencé à mettre en œuvre une stratégie intégrée pour trouver une solution à ce mystérieux défaut de goût que l'on constate quelquefois dans le café de spécialité du Rwanda.
Si l'on regarde de plus près les efforts de l'équipe de Daniel, il n'y a pas plus de 17 institutions nationales, internationales, privées, publiques, et appartenant aux agriculteurs - unies dans leurs efforts. L'objectif de cette équipe est de débarrasser le café spécialité, de renommée mondiale du Rwanda de ce défaut de goût.
S'engager pour le problème de pomme de terre
Sous les auspices de l’IMC pendant plus d'un an, une série de formations a aidé les étudiants, la faculté et les partenaires importants au Rwanda à apprendre de nouveaux moyens de préciser le contexte du partenariat et à trouver les ressources nécessaires pour résoudre leur problème.
Plus récemment, en janvier 2012, les partenaires ont participé à un programme de deux semaines visant à développer une stratégie multiple pour résoudre le défaut du goût pomme de terre. La stratégie implique trois actions liées : déterminer la cause du défaut « goût pomme de terre », comprendre la relation entre les conditions écologiques et le défaut, et renforcer les capacités du Rwanda pour résoudre ce problème.
Juste un mois après l'élaboration de la stratégie, des actions collectives sont en cours. Des échantillons de punaises ont été expédiés à des laboratoires aux États-Unis pour analyse. L'agence de la recherche agricole de la France, le CIRAD travaille pour déterminer la chimie exacte du goût de pomme de terre et une équipe de chercheurs du NUR pilotent les schémas écologiques utilisant le dispositif de surveillance des conditions météorologiques offert par les partenaires américains.
Au cœur de ce réseau axé sur les objectifs on trouve une équipe internationale composée des solutionneurs les plus talentueux et les plus engagés du monde, très au courant du problème du café. Après avoir été identifiés par l’IMC et surpris par l'urgence de ce défi, le Dr. Christian Cilas, de France, chef de l'unité de contrôle, d'analyse des risques, des nuisibles et des maladies au CIRAD, et le Dr Thomas Miller, entomologiste américain de l'université de Californie Riverside, ont accepté d'appliquer leurs compétences au problème du développement, redonnant un souffle aux travaux du groupe NUR.
Trois experts en innovation collaborative de l’IMC ont réuni ces scientifiques avec une section transversale variée de la communauté du développement pour organiser une approche collective en réponse au problème du goût de la pomme de terre.
« Nous pouvons gérer les problèmes les plus durs du monde »
Des preuves montrent la valeur de ces coopérations internationales comme LINK. Mu par la croyance que le processus n'arrive pas toujours à apprendre comment résoudre les problèmes, LINK insiste sur le « comment » par rapport au « quoi ».”
En renforçant les chercheurs, les entrepreneurs et les décideurs avec un ensemble de compétences en faveur de l'innovation collaborative, nous pensons que nous pouvons radicalement accélérer la fourniture de solutions. Grâce à nos travaux pour encourager, optimiser et soutenir les réseaux de la connaissance, les chercheurs africains et les innovateurs africains peuvent rejoindre le groupe mondial des challengers et des solutionneurs unis pour résoudre les problèmes les plus durs du monde.
Pour de plus amples informations sur les travaux récents de l’IMC au Rwanda, veuillez prendre contact avec la responsable d’exploitation Sara Farley à l’adresse sara@gkinitiative.org .
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